Découvrez la face cachée du Chili dans le dernier film de Felipe Gálvez Haberle, une réalisation captivante qui lève le voile sur une période méconnue. Prévu pour le 20 décembre, ce film offre une plongée cinématographique unique dans l’histoire chilienne. Ne manquez pas cette opportunité de découvrir un pan peu exploré du passé du pays.
Photo : Allociné
« Le problème, ce sont les Indiens. Ils mangent les troupeaux. Ouvrez-moi une route sûre et rapide vers l’Atlantique pour mes moutons. Et nettoyez ! ». Nous sommes en Terre de Feu, en 1901, quelques ouvriers installent des clôtures dans une pampa déserte à perte de vue et José Menéndez (incarné remarquablement par Alfredo Castro) propriétaire de toutes les terres avoisinantes jusqu’à plusieurs journées de cheval, confie une mission très spéciale à son homme de main, l’impitoyable lieutenant MacLennan lui adjoignant un mercenaire américain dont « on dit qu’il peut sentir un Indien à des kilomètres ». Le trio est complété par Segundo un jeune ouvrier métis, tireur extrêmement précis, et le voyage commence… Une chevauchée vers les confins du monde qui comptera son lot de cadavres au gré de très rares rencontres, des plaines aux forêts, du pied de la Cordillère des Andes jusqu’à la mer.
« L’histoire du film ne fait pas partie de l’histoire officielle du Chili explique le réalisateur. Elle ne figure pas non plus dans les programmes scolaires. Je ne connaissais rien du génocide des Indiens Selk’nam, appelés Onas par les blancs, dans notre pays. Je l’ai découvert en lisant un article, il y a quinze ans, qui mentionnait cette réalité cachée du génocide. À l’école, l’histoire du Chili s’arrête en 1973, on ne parle pas de la dictature qui a suivi. L’histoire officielle de la dictature n’a toujours pas été écrite. Est-ce que cela vaut la peine de la raconter, et surtout, comment le faire ? À l’issue de cette réflexion, je me suis intéressé à ces autres événements du début du XXe siècle, eux aussi ignorés. Que se passe-t-il dans un pays, quand on efface une page entière de son histoire ? Plutôt que cet effacement de la dictature au présent, pourquoi ne pas revenir à un autre effacement, qui a eu lieu cent ans auparavant ? Quelles en sont les conséquences jusqu’à aujourd’hui ?
L’île de Dawson, en Terre de Feu, a été transformée dans les années 70 en camp de concentration, puis d’extermination par la dictature de Pinochet, pour les membres du gouvernement et les proches d’Allende. Mais tout le monde a oublié qu’elle avait auparavant abrité un autre massacre, contre les indigènes. D’où l’importance, pour comprendre notre histoire récente, de remonter plus loin, au temps de la colonisation des terres indiennes… Au Chili, les massacres des indigènes, perpétrés par les éleveurs de Terre du Feu, soutenus indirectement par l’État chilien, ont été expurgés de l’histoire officielle. Ils sont toujours étouffés, passés sous silence. Raconter cette histoire occultée sans en montrer la violence, cela aurait été un compromis inacceptable au regard de l’Histoire et des victimes. Les Colons ne cherche pas à reconstruire une vérité historique, mais plutôt à réfléchir sur la façon dont la fiction, et notamment le cinéma, ont le pouvoir de modifier et déformer l’Histoire, de la réécrire. »
Alain LIATARD
Les colons, drame chilien, argentin français, britannique, danois, suédois et taïwanais de Felipe Gálvez Haberle (2023), 97 min. En salles le 20 décembre.