“Qui ose, gagne” : le triumvirat doit se confronter au dilemme moral que soulève la guerre contre le Hamas. Rubén Segura, général à la retraite de l’armée chilienne et ancien directeur du Centre d’études et de recherches militaires, propose son avis dans le site chilien El Mostrador que nous avons traduit.
Photo : France 24
Chaque décision à caractère politico-stratégique prise par les dirigeants d’un État, ainsi que leur mise en place et les décisions opérationnelles prises par l’armée responsable de la conduite stratégique des forces de combat, implique des dilemmes moraux. L’attention du monde entier est portée sur la Terre Sainte, pour donner suite à la diffusion d’images déchirantes de l’attaque barbare contre Israël par le groupe militaire politico-terroriste Hamas. Au cours de celle-ci, des civils sans défense ont été massacrés. Des otages et des civils ont été pris en otage, victimes de menaces physiques et psychologiques et exposés à une forte probabilité d’être tués.
Israël a annoncé dernièrement la formation d’un gouvernement d’urgence, dans lequel le principal parti d’opposition détient un rôle clé dans la direction des opérations de guerre contre le Hamas, tandis que les bombardements massifs contre la Bande de Gaza continuent, touchant également la population palestinienne. Ce “cabinet de gestion de guerre”, se compose de trois membres : le premier ministre d’Israël, Benjamin Netanyahu ; le ministre de la Défense, Yoav Gallant et l’ex-ministre de la Défense Benny Gantz, qui est aujourd’hui à la tête d’un parti d’opposition. Ils ont tous les trois, par le passé, fait partie des Forces de Défense de l’Israël (FDI). Netanyahu fut dirigeant des forces spéciales commando de la Sayeret Matkal, unité d’élite créée en 1957.
Il se bat principalement contre le terrorisme et pour la reconnaissance et l’intelligence militaire. Sa devise est “Qui ose, gagne”. Ce n’est pas la première fois qu’il se confronte à des groupes palestiniens. Ce fut le cas en Jordanie (1968) contre l’OLP (Organisation pour la Libération de la Palestine) lors de la Bataille de Karameh, au Liban (1968) contre le Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) et en Israël (1972) contre le groupe terroriste palestinien « Septembre Noir », lors de la mission de sauvetage de la prise en otage du vol 571 de la Sabena. Enfin, en 1978 il fonde l’institut Antiterroriste Yonathan Netanyahu, auquel il donne le nom de son frère, assassiné en 1976 par les terroristes palestiniens lors de l’opération de sauvetage d’Entebbe en Ouganda.
Yoav Gallant, actuel ministre de la Défense et ancien membre des commandos des forces spéciales de la Marine puis Général de division dans l’armée, participa aux campagnes de la Seconde Guerre du Liban (2006) contre le Hezbollah et contre le groupe Hamas dans la Bande de Gaza (2008-2009). L’opposant Benny Gantz est un ancien commandant en chef des FDI. Il dirigea le combat contre les groupes palestiniens dans la Bande de Gaza lors des campagnes d’Opération « Pilier de Défense” (2012) et de l’Opération « Protection des Frontières” (2014).
Gilad Erdan, ambassadeur d’Israël, a déclaré lors d’une interview face aux Nations-Unies (à CNN) que l’objectif politico-stratégique est de « nier la capacité militaire du Hamas afin de s’assurer qu’il n’ait aucune capacité militaire pour mener à bien une éventuelle attaque contre Israël ou représenter une menace pour nos civils » en ajoutant que la prise d’otages à Gaza « ne nous arrêtera pas et ne nous empêchera pas non-plus de faire ce que nous avons à faire pour assurer le futur d’Israël. » Se pose ici un dilemme moral, où il faut choisir un plan d’action, sans pour autant que ces alternatives soient jugées d’un point de vue moral.
Voici les différentes possibilités :
- Plan d’action 1 : s’attaquer au Hamas et le détruire tout en ayant conscience des répercussions possibles sur la population palestinienne et les Israéliens séquestrés.
- Plan d’action 2 : évacuer la population palestinienne de la zone d’attaque et détruire le Hamas sans restriction, tout en ayant conscience des répercussions possibles sur la population palestinienne et les Israéliens séquestrés. Tout porte à croire que la deuxième option a été privilégiée, ce qui donne lieu à un nouveau dilemme moral à l’égard de l’opinion internationale, de la communauté israélienne et plus particulièrement des familles des civils et soldats pris en otage par le Hamas dans la Bande de Gaza. Plan d’action 2.1: Une fois l’évacuation du peuple palestinien effectuée, attaquer et détruire le Hamas sans restriction tout en ayant conscience des répercussions possibles sur les Israéliens séquestrés. Plan d’action 2.2: Une fois l’évacuation du peuple palestinien effectuée, attaquer et détruire le Hamas et accepter une négociation à travers un tiers (Égypte, Jordanie, Croix-Rouge, ONU, etc.) dans le but de sauver les otages toujours vivants ou le corps des défunts.
Il ne faut pas oublier que le siège politique du Hamas reste à ce jour secret et protégé, hors des conflits, mais une question demeure : quel est l’objectif de cette guerre ? Une paix temporaire en attendant la prochaine guerre ou mettre un terme aux guérillas servant les objectifs de l’Iran, véritable adversaire d’Israël ? Cela pourrait-il être une démonstration de force pour dissuader ses ennemis pour les années ou les décennies à venir ? Au demeurant, il n’existe aucune issue puisque le Hamas, qui a attaqué en premier, voit cette guerre comme une cause juste considérant qu’Israël les a attaqués en premier.
El Mostrador (Chili)
Traduit par Carla Estoppey et Anaïs Geraci