L’Institut culturel du Mexique à Paris propose Amexica, une exposition d’art contemporain

Ouverte du 21 avril au 15 juin 2023 à l’institut culturel du Mexique, Amexica est une exposition d’art contemporain impactante. D’abord présentée à Bruxelles, puis adaptée à Paris, Amexica rassemble le travail de treize artistes aux trajectoires diverses. 

Photo : Institut du Mexique

En 1994, le Mexique intègre l’Alena, rejoignant ainsi les flux de libre-échange nord-américain. Amexica, c’est une exposition choc, illustrant les conséquences et contradictions d’une intégration économique capitaliste moderne. Le titre, Amexica, vient de l’ouvrage éponyme de Ed Vulliami, journalisme d’investigation, dans lequel il décrit le territoire qui s’étend de l’Amérique centrale à l’Amérique du Nord, en passant par le Mexique. Dans Amexica, Marisol Rodríguez, la commissaire d’exposition « réfléchit à l’expérience de sa génération face à un changement national dramatique, du protectionnisme culturel et économique des années 80 au consumérisme, au capitalisme rapide et à l’extractivisme de notre ère mondialisée. Les œuvres qui constituent cette exposition sont empreintes d’un humour acide, d’une lucidité et d’une audace qui laissent entrevoir une blessure collective dont les effets n’ont pas encore de frontière définie. »

On y voit la déshumanisation qui frôle le sectarisme des maquiladoras, ces usines situées dans le nord du Mexique, à la frontière avec les Etats-Unis, qui capitalise sur le prix de la main d’œuvre mexicaine. Son installation, canned laughter, du rire en cannette, diffuse des images d’un travail répétitif et aliénant, dans des usines, pour produire ces cannettes de rire. Sur des vieux téléviseurs, le visage, sur fond céleste, du CEO.

L’autre installation majeure de cette exposition et celle de l’artiste Naomi Ricon Gallado. S’inspirant des mythes et récit mésoaméricain, elle dénonce ici, par des œuvres colorés aux formes intrigantes, sorte de costume, comment les cultures particulières à la région d’Oaxaca, et ses habitants ont été atteints par cette ouverture à la « modernité ». Un rap détaille le phénomène, évoquant des personnages portant les costumes en question ou mettant en scène les installations. Ils ont volé les terres, détruit le système politique égalitaire et même « gentrifié le mezcal ».

Troisième installation majeure de cette exposition, celle de Andrew Roberts qui utilise la figure du zombie pour expliquer les conséquences qu’a eu l’Alena, et surtout les contradictions. Il parle de son propre ressenti sur les changements provoqués par la signature des accords de libre-échange sur son quotidien : « Après l’entrée en vigueur de l’ALENA, les produits recyclés issus de l’industrie américaine du divertissement nous sont parvenus sous la forme de rediffusions télévisées à faible résolution et de consoles de jeux vidéo d’occasion au rabais, tandis que Tijuana devenait la principale voie de distribution d’armes et de drogues illégales. Cette atmosphère a eu un effet durable sur mes souvenirs d’enfance, où les dessins animés ont commencé à se mélanger à la brutalité exposée quotidiennement dans les journaux télévisés et les jeux de tir sur ordinateur sont devenus indiscernables de ma propre réalité ».

D’autres œuvres marquantes accompagnent ces 3 installations. Quelques réflexions autour de la richesse, de l’ostentation : Il faut 32minutes et 43 secondes pour faire disparaitre 100 pesos, d’après les calculs de Federico Martinez, qui frotte des billets pour illustrer la volatilité de l’argent. Daniela Rossell, elle, nous expose des portraits des femmes riches de la bourgeoisie mexicaine.  Fritzia Izar fabrique un diamant à partir de cheveux, par un processus d’extraction de carbone. Elle n’a pas utilisé n’importe quels cheveux, elle a ironiquement fait participer des enfants d’une communité précaire, celle de Raramuri, touchée par une crise alimentaire terrible. Le sujet de la déshumanisation est aussi abordé, avec l’œuvre saisissante de Renato Graza Cervera. Un homme, en tapis, en trophée de chasse, couvert de tatouage. C’est un marero, un gangster, traité comme un animal sauvage par ses compatriotes. Pour n’en citer que quelques unes.

Jusqu’au 15 juin 2023, Amexica est une exposition marquante, apportant différentes perspectives d’un même événement, qui vaut le détour. Amexica veut « passer en revue avec un humour souvent mordant le paysage sociopolitique actuel d’un pays en excès de tragédie ». A retrouver à l’institut culturel du Mexique à Paris, 119 rue Vieille du temple.

Marie BESSENAY