À Haïti, des gangs violents terrorisent la population. En guise de riposte, cette dernière s’est livrée plusieurs fois à des vengeances d’une extrême brutalité : les membres des gangs sont brûlés vifs en pleine rue. Cette situation aux allures de guerre civile inquiète l’ONU.
Photo : ONU
Selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), les affrontements entre gangs sont de plus en plus « violents et fréquents ». Les gangs tentent ainsi d’étendre leur contrôle territorial dans la capitale et dans d’autres régions en ciblant les personnes vivant dans les zones contrôlées par leurs rivaux. Selon un décompte effectué le 15 mars dernier, un total de 531 personnes ont été tuées, 300 blessées et 277 kidnappées depuis le début de l’année.
Des victimes à la suite d’incidents liés aux gangs qui ont eu lieu principalement dans la capitale, Port-au-Prince, selon les informations recueillies par le Service des droits de l’homme du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH). Rien qu’au cours des deux premières semaines de mars, les affrontements entre gangs ont fait au moins 208 morts, 164 blessés et 101 kidnappés. La plupart des victimes ont été tuées ou blessées par des tireurs d’élite qui auraient tiré au hasard sur des personnes dans leurs maisons ou dans les rues. « Nous sommes gravement préoccupés par le fait que l’extrême violence continue d’échapper à tout contrôle en Haïti », a déclaré lors d’un point de presse régulier de l’ONU à Genève, Marta Hurtado, porte-parole du HCDH.
Ces violences n’épargnent même pas le secteur de l’éducation. Des élèves et des enseignants ont été ainsi touchés par des balles perdues lors d’affrontements entre gangs. Les enlèvements de parents et d’élèves à proximité des écoles se sont multipliés, obligeant nombre d’entre elles à fermer leurs portes. « Sans l’environnement protecteur des écoles, de nombreux enfants ont été recrutés de force par des gangs armés », a déploré Mme Hurtado. La violence sexuelle est également utilisée par les gangs contre les femmes et les filles pour terroriser, soumettre et punir la population. Les membres des gangs ont souvent recours à la violence sexuelle contre les filles enlevées pour pousser les familles à payer une rançon. Face à cette insécurité, la population fuit pour échapper au danger quotidien. À la mi-mars 2023, au moins 160 000 personnes ont été déplacées et se trouvent dans « une situation précaire », hébergées par des amis ou des parents et devant partager de maigres ressources. Selon l’ONU, un quart des personnes déplacées vivent dans des campements de fortune, avec un accès très limité aux services de base tels que l’eau potable et l’assainissement.
Par ailleurs, l’instabilité chronique et la violence des gangs ont contribué à la flambée des prix et à l’insécurité alimentaire. « La moitié de la population ne mange pas à sa faim et dans certaines zones, comme Cité Soleil, la faim a atteint des niveaux particulièrement alarmants », a détaillé la porte-parole du Haut-Commissariat. Pour briser le cycle de la violence, de la corruption et de l’impunité, les services du Haut-Commissaire Volker Türk estiment que tous les responsables, y compris ceux qui soutiennent et financent les gangs, doivent être poursuivis et jugés conformément à l’État de droit. Le HCDH demande également à la communauté internationale d’envisager d’urgence le déploiement d’une force d’appui spécialisée dans des conditions conformes aux lois et normes internationales en matière de droits de l’homme, avec un plan d’action complet et précis. « Nous appelons la communauté internationale à soutenir ces efforts », a dit la porte-parole, plaidant également pour « une réforme profonde du système judiciaire et pénitentiaire » dans ce pays des Caraïbes.
Lors de sa visite en Haïti en février, le chef des droits de l’homme de l’ONU avait lancé un cri d’alarme à la communauté internationale qui n’a pas encore été suivi d’effet. « Ses recommandations sont plus urgentes que jamais. Le Haut-Commissaire des Nations-Unies aux droits de l’homme, Volker Türk exhorte les autorités haïtiennes à s’attaquer immédiatement à la grave situation sécuritaire », a conclu la porte-parole du HCDH.
Face à cette situation, la population, excédée, réagit par la violence. Des habitants, excédés par la présence de ces gangs, ont décidé de se faire justice eux-mêmes. Au moins 13 membres ont été brûlés vifs ces derniers jours.
D’après l’ONU