Trois militants écologistes assassinés depuis le début de l’année au Honduras

Après la mort de Berta Caceres en mars 2016 et le long chemin parcouru avant que justice soit faite [1], le Honduras reste le théâtre de nombreux assassinats de militants environnementaux. Des crimes récurrents dans toute l’Amérique latine.

Photo : Reporterre

L’année à peine commencée, on compte déjà trois morts : Aly Domínguez, Jairo Bonilla et le dernier en date Omar Cruz Tomé qui a perdu la vie le 19 janvier. Les deux premiers militaient contre la pollution de l’eau par une entreprise minière sur leur terre, le troisième luttait contre les expropriations irrégulières des terres des peuples autochtones et des paysans locaux par les grandes entreprises d’exploitation agricole. 

Les compagnons de lutte des défunts n’ont aucun doute sur les coupables. En effet, une trentaine de personnes avaient dénoncé des menaces reçues de la part de la compagnie minière Emco Holding. Une situation que Reynaldo Domínguez, le frère d’Aly, pointe du doigt depuis des années. Il a lui-même reçu sept menaces de morts depuis 2019 dans le cadre de ses activités militantes. Mais la police hondurienne conclut que ces meurtres sont liés à un vol. Concernant la mort de Omar Cruz Tomé, président de la coopérative paysanne « Los Laureles », assassiné de douze coups de feu, c’est l’entreprise agraire Dinant que ces proches accusent. Le 11 janvier dernier, l’activiste avait dénoncé au ministère public Miguel Mauricio, dirigeant de cette entreprise, comme étant « acteur et complice » d’une structure criminelle armée connue sous le nom de « Los Cachos ».

Le Honduras n’est pas un cas isolé. Les statistiques démontrent que l’Amérique latine est le continent le plus dangereux pour les militants écologistes. Selon l’ONG Global Witness, entre 2012 et 2021, sur plus de 1700 meurtres de militants écologiques ayant eu lieu dans le monde, quatre des cinq premiers pays concernés se trouvent en Amérique latine : 342 meurtres au Brésil, 322 en Colombie, 154 au Mexique, et 177 au Honduras[1]. Le contexte social fait que la question y est brulante. Les terres, riches en matières premières et minéraux rares attirent les grandes entreprises d’exploitation. Mais ces terres sont souvent situées sur les territoires des peuples indigènes qui veulent bien entendu les protéger. Les représentants des peuples autochtones constituent 40 % des victimes. C’est bel et bien la situation dans laquelle se trouvaient les militants assassinés en ce début d’année. Pour Victor Fernández, avocat spécialiste des droits de l’Homme qui représente la coopérative « Los Laureles », dont Omar était président, « cet assassinat vise à démanteler la lutte paysanne dans la vallée de l’Aguán, où les agro-industriels ont pris possession de manière irrégulière des meilleures terres de ce pays. »

Inquiétante aussi : l’impunité. Toujours selon l’étude de Global Witness, plus de 94 % de ces crimes ne sont pas signalés et seulement 0,9 % sont résolus. Il y a une complaisance des élites à l’égard des sociétés minières, gazières ou agroalimentaires. Les drames de ce début d’année au Honduras le démontrent bien. « Nous ne voulons pas que cette police ou ce parquet enquêtent sur ce qui s’est passé », déclare Reynaldo Domínguez. « Malheureusement, l’impunité est la loi aujourd’hui. Le mécanisme de protection de l’État souffre de graves lacunes structurelles et opérationnelles, et des efforts importants doivent être déployés pour le réformer », souligne également César Muñoz, directeur de la délégation américaine de Human Rights Watch, pour El País

Marie BESSENAY


[1] https://www.espaces-latinos.org/archives/106292

[2]https://reporterre.net/En-dix-ans-plus-1700-activistes-ecolos-ont-ete-tues-dans-le-monde