Le 18 novembre sur la scène du Bataclan, le groupe colombien Bomba Estéreo présentera son dernier album “Deja”, une ode dansante à la Terre et à ses quatre éléments. Le groupe continue de creuser son sillon dans un univers mêlant musique électronique et sons traditionnels de leurs Caraïbes natales.
Photo : BBC Bomba Estereo
La chanteuse Li Saumet et le musicien Simón Mejía sont de retour. Après une pause de quatre ans, liée à leur tournée internationale et à la pandémie, 2021 et 2022 signent le grand retour du groupe colombien. En plus de leur album Deja, sorti l’année dernière, le groupe multiplie les collaborations, les dernières en date avec Bad Bunny et Manu Chao. Décrire la patte Bomba Estéreo n’est pas tâche aisée, tant le groupe prend un malin plaisir à explorer toute la richesse de la palette musicale latino-américaine. Sur une base de musique électronique, viennent s’alterner des aires de cumbia, de reggaeton, de rock, de reggae ou encore de champeta. Le tout guidé par la voix unique de Li Saumet, au flow impressionnant, oscillant entre chant et rap.
Pour leur huitième et dernier opus, enregistré en grande partie dans les montagnes colombiennes de la Sierra Nevada de Santa Marta pendant le confinement, le groupe a voulu se reconnecter à la Terre, à travers l’utilisation d’instruments locaux, d’enregistrements en extérieur et de textes sur l’environnement colombien, souvent menacé par l’homme.
La pandémie a également permis au groupe de resignifier son recours à la musique électronique. Pendant ces longs mois de distanciation forcée, la technologie est passée d’un outil froid au seul moyen pour les êtres humains d’être connecté avec leur monde affectif. L’électronique est devenue organique et cela se ressent sur les pistes de Deja, un quadriptyque autour de l’air, de l’eau, du feu et de la terre où peuvent s’écouter les vagues des Caraïbes, les oiseaux de la forêt, le son des rivières, des singes, insectes et des cycles du soleil. Pour le mixage de Deja, ils ont collaboré avec le producteur canadien Damian Taylor, à qui l’on doit également les derniers travaux de Björk et d’Arcade Fire.
Depuis ses débuts, le groupe fusionne l’électro avec des sons colombiens plus traditionnels. Et le conçoivent même comme une continuité de l’histoire culturelle de leur pays. Pour la chanteuse du groupe, « en Colombie, la musique a toujours été une musique de fusion. À partir du moment où les Afro-Colombiens ont fusionné avec les indigènes, puis avec l’arrivée des Blancs et enfin la musique étrangère. Je pense que l’Amérique latine, du fait même de la colonisation, a toujours été un continent aux influences multiples. Et Bomba Estéreo surgit de là. Ce sont des processus qui se déroulent depuis de nombreuses années. Les Caraïbes colombiennes sont exposées à toutes les musiques : celle des Caraïbes elles-mêmes, des États-Unis, de l’Afrique… C’est un point de confluence ».
Pas étonnant dès lors que le groupe invite sur l’album Yemi Alade, chanteuse nigériane d’afropop, comme témoignage de ce bagage culturel commun entre l’Afrique et les Caraïbes. Si les mélodies sont rythmées et entraînantes, les chansons de Bomba Estéreo n’en sont pour autant pas vides de sens. Le groupe entend même renouer avec la spiritualité que de nombreuses communautés indigènes prêtent à la danse. Danser pour se reconnecter à la Nature et à soi. Connexion qui revient dans la dernière piste de l’album, Mamo Manuel Nieves, du nom du chaman qui prône en langue ‘’arhuaca’’ un retour à l’essentiel. Dans cet équilibre subtil réside la clé du succès international que connaît le groupe colombien depuis la sortie de leur troisième album Elegancia Tropical en 2012 dont sont issus les tubes Pure Love et Qué bonito. En 2018, Bomba Estéreo atteint même le Top 500 mondial des artistes les plus écoutés sur Spotify.
Sur scène, l’attention portée aux visuels et aux costumes retranscrit parfaitement l’univers de Bomba Estéreo. En 2018, ils enregistrent leur premier live à Dublin, lorsqu’ils font la première partie du groupe Arcade Fire. Passés par les scènes des plus grands festivals d’Amérique latine mais aussi à Coachella et Lollapalooza aux États-Unis, leur dernier et unique passage en France remonte à 2010 lors du festival Transmusicales. Leur date du Bataclan est donc l’occasion rêvée pour le public français de redécouvrir l’univers de Bomba Estéreo.
Romain DROOG