Dans la nuit du 1er septembre, la deux fois présidente argentine et actuelle vice-présidente du pays, Cristina Fernández de Kirchner, s’apprête à rentrer chez elle au milieu d’une foule de sympathisants. S’extirpe alors du groupe un homme muni d’un revolver, prêt à tirer en pleine tête de la femme politique. Pour une raison encore inconnue, sur plusieurs vidéos, on peut entendre l’activation de la gâchette, mais le coup ne part pas. Cette tentative d’assassinat est un fait grave, une énorme atteinte à la démocratie, le paroxysme d’une société divisée politiquement et vivant dans un état constant de post-vérité.
Photo : A24
La plus grosse atteinte à la démocratie depuis la fin de la dictature. C’est par ses mots que l’actuel président argentin Alberto Fernández s’exprime sur toutes les chaînes de télévision nationale dans la nuit du jeudi 1er septembre. Il annonce dans la foulée un jour férié national à partir du lendemain matin pour que la société argentine dans son ensemble puisse prendre le temps de réfléchir sur les conséquences d’une polarisation politique extrême.
La « grieta » (le fossé). Ce mot en Argentine est utilisé à longueur de journée et sert à nommer la division politique profonde entre les péronistes et les libéraux. Cette grieta se retrouve partout et est exacerbée aussi bien par les hommes et femmes politiques que par les médias. Cette polarisation complète a comme principale conséquence une division impressionnante de la société argentine où les deux camps ne prennent plus la peine de dialoguer. Et où la vérité ne semble plus être importante pour personne.
La tentative d’assassinat de Cristina Kirchner est le point d’orgue de cette division. Depuis plusieurs semaines, l’ancienne présidente est impliquée dans un procès pour des faits de corruption, pour lesquels elle risque jusqu’à douze ans de prison. Alors que les libéraux soutiennent ce procès, convaincus de sa culpabilité, les péronistes décrient une instrumentalisation du pouvoir judiciaire et un procès politique, à l’instar de ceux menés contre d’autres leaders de gauche en Amérique latine. Les deux versions s’affrontent sans jamais s’entendre. Suite à ce procès, des centaines de sympathisants se retrouvent tous les jours devant l’appartement de Cristina Kirchner pour lui apporter son soutien. C’est à l’ occasion d’un de ses bains de foule que l’ancienne présidente faillit perdre la vie.
Suite à cet attentat, la classe politique s’est rassemblée pour dénoncer les évènements. Mais déjà des voix s’élèvent pour remettre en doute la version officielle et décrivent l’attentat comme une invention des péronistes pour faire de Cristina une martyre. La vérité continue de n’avoir aucune importance et c’est un fait qui commence à devenir récurrent dans nos sociétés occidentales. Et hier, en Argentine, cette polarisation a failli tuer.
Romain DROOG