Vendredi 11 mars une journée historique : Investiture de Gabriel Boric, nouveau président élu au Chili. Nous y étions

Vendredi 11 mars, l’investiture de Gabriel Boric, élu le 19 décembre dernier avec une large majorité, a marqué clairement la nouvelle manière d’aborder le pouvoir par le nouveau président chilien et son gouvernement. Deux membres de notre équipe éditoriale étaient sur place et ont suivi heure par heure cette première journée dont ici nous donnons un résumé. Un carnet de voyage, accompagné de photos, sera publié dans nos prochaines éditions.

Photo : Palomé Venot (1)

Cela va d’un détail, au premier abord anodin, que les journalistes chiliens commentaient beaucoup dans les coulisses et les chroniques : le non-port de la cravate par le président. Ce détail, et les commentaires à son sujet, devenus quelque peu agaçants par la place qu’ils ont pris dans les médias, n’en est finalement pas un. C’est l’affirmation symbolique envers une société traditionaliste, élitiste, que ce jeune président de trente six ans et son équipe gouvernementale ont voulu donner pour marquer un changement autant dans la forme que dans le fond. Pour annoncer un pouvoir plus proche des gens et avec les gens. Gabriel Boric dans son discours émouvant, puissant, détaillé et engagé, a parlé au peuple et aux peuples de ce pays en ces termes : un pouvoir pour et avec les gens. Vous trouverez le discours traduit dans les colonnes de cette newsletter. 

Le président et son équipe gouvernementale ont marqué la journée du 11 mars par cette volonté de faire en sorte que leur ascension au pouvoir ne soit pas qu’une journée protocolaire. À plusieurs reprises que cela soit au Congrès national, dans le port de Valparaiso où, comme c’est la tradition, le président sortant de droite Sebastián Piñera a enlevé la bande présidentielle tricolore et le président du Sénat a remis au nouveau président, non l’ancienne bande comme c’était l’habitude, mais une autre que le président Boric avait commandé à une coopérative de femmes de milieu modeste.

Le président a tenu à marquer la différence.  Puis, en présence de sénateurs et des invités, il a juré respecter les institutions du pays et réaffirmé ses promesses de changement lors d’une très brève allocution devant « le peuple et les peuples du Chili » et appelé chacune et chacun de ses ministres qui ont juré avec lui. Après un petit-déjeuner avec des femmes représentantes du tissu associatif le président et ses ministres sont partis à la résidence d’été présidentielle de Cerro Castillo situé sur une colline (à Viña del Mar – ville balnéaire à côté de Valparaiso, siège l’assemblé nationale) où sont arrivées les délégations étrangères pour un déjeuner (et aussi pour les photos officielles). Enfin les ministres et le président se sont dirigés au palais présidentiel de La Moneda à Santiago, à une centaine de kms de Valparaiso. En arrivant à Santiago, Gabriel Boric et Izkia Siches la ministre de l’Intérieur, dans une voiture décapotable ont été salués par la foule massive installée dans les alamedas.

La remontée en voiture à ciel ouvert a été un grand moment de la soirée d’investiture qui ,pour beaucoup de Chiliennes et Chiliens, jeunes et moins jeunes, a rappelé ce même passage par le président Salvador Allende en novembre 1970. Grande émotion et communion avec la foule lorsqu’avant d’entrer à La Moneda, après les hommages officiels par la Garde républicaine, Gabriel Boric s’est déplacé pour saluer la statue de Salvador Allende. Le samedi 12 et le dimanche 13 mars ont été ponctués de moments également à forte teneur symbolique. À la traditionnelle journée du 12 mars, avec une réception à La Moneda pour une photo officielle et ensuite une messe à la Cathédrale, Gabriel Boric et sa compagne Irina Karamanos – leader politique féministe – ont choisi de commencer par une cérémonie avec les différentes ethnies chiliennes, une oraison œcuménique. 

Enfin le dimanche 13 mars, une journée culturelle avec les habitants La Pintana, une des communes les plus pauvres mais aussi les plus engagées et actives culturellement de la région métropolitaine, avec plusieurs représentations artistiques. « La culture est ici et nul besoin de se contenter de celles des quartiers chics de Santiago » a dit Gabriel Boric dans une de ses interventions lors de cette journée. Le peuple chilien se félicite de ce changement de ton, même si les détracteurs sont aussi malheureusement nombreux et commencent à s’exprimer fortement. À suivre.

Lorena ESPINOSA-VENOT

(1) Photo prise dans la matinée du vendredi 11 mars au Cerro Castillo, résidence d’été des présidents chiliens à Viña del Mar, pas loin de Valparaíso.