Santiago Gamboa est un auteur colombien récompensé par plusieurs prix et dont l’œuvre a été traduite dans plus de quinze langues. Grande figure de l’exil, il retourne vivre en Colombie en 2014, l’année où paraît « Una casa en Bogotá », un roman bref où le protagoniste, avatar fictionnel de l’auteur, opère lui-même son retour à la capitale après des années passées à l’étranger. Le roman a été traduit par François Gaudry et sera publié aux éd. Métailié à partir du 4 mars 2022.
Photo : éd. Métailié
Une maison à Bogotá nous plonge dans le monde d’un professeur de philologie qui consigne ses mémoires et décide de retourner vivre en Colombie après avoir couru le monde en compagnie de sa tante. Grâce à un prix reçu pour un ouvrage de linguistique, il dispose de l’argent nécessaire pour acheter la demeure de ses rêves à Chapinero, le deuxième district de Bogotá, dans laquelle il vivra avec sa tante vieillissante.
Dès lors, le roman propose une double déambulation à travers les différents espaces de la maison et de la vie du professeur. Chaque nouvelle description de la maison, de son quartier à ses mansardes en passant par sa bibliothèque, amène une série d’anecdotes où se mêlent expériences initiatiques, histoire politique et socio-économique et amour des arts, en particulier celui des Lettres. Santiago Gamboa reprend ici le principe de La vie mode d’emploi de Georges Pérec, un livre qui le fascine (1).
Le professeur de philologie s’enfonce progressivement dans la nostalgie, se remémorant les différents épisodes de sa vie et les maisons où il a vécu avec sa parente. Le roman propose une mise en récit touchante de l’histoire d’un neveu et de sa tante qui évoluent ensemble dans différents pays selon les missions diplomatiques de celle-ci alors que rien ne les y disposait – elle toujours par monts et par vaux, lui enfant innocent à Bogotá –, avant que sa condition d’orphelin ne les unisse à jamais.
L’élément le plus regrettable du roman pourrait être le regard résolument masculin du personnage principal sur la question de la sexualité et la construction narrative de ses conquêtes, toutes soumises à des stéréotypes, qui contraste avec celle de la tante adorée, aussi raffinée que cultivée et chérie par son neveu. Cependant, le professeur-mémorialiste semble avoir conscience de son injuste traitement de la plupart des femmes de sa vie, le confesse et regrette le modèle machiste dans son pays pétri par la violence, celle-là même qu’il observe dans les tréfonds de la capitale depuis sa voiture, guidé par Abundio, son chauffeur de toujours. Nous laissons ainsi le lecteur averti se forger sa propre opinion sur le sujet.
Santiago Gamboa insère ce bref roman dans la tradition de la littérature d’exil à travers un avatar fictionnel. Il a lui-même opéré son retour à Ithaque en 2014 en revenant dans une Colombie qu’il aime autant qu’il la critique dans Une maison à Bogotá à cause de la corruption et des manœuvres politiques qui provoquent la stagnation du pays sans pour autant faire de son livre un pamphlet politique. À découvrir aux Éditions Métailié.
Nina MORELLI
Une maison à Bogotá de Santiago Gamboa, traduit de l’espagnol (Colombie) par François Gaudry, éd. Métailié, bibliothèque Hispano-américaine, 192 p., 20 €.