L’Argentine a remboursé mercredi la dernière échéance 2021 de sa dette au FMI, 1,9 milliards de dollars, tandis que le Fonds s’interrogeait sur les conditions de ce prêt colossal de 57 Mds en 2018, un réexamen réclamé par Buenos Aires, qui tente en même temps de renégocier la dette.
Photo : Gobierno Argentino
Le versement de près d’un milliard neuf cent mille dollars a été confirmé à Buenos Aires de sources officielles portant à environ 5,2 Mds les remboursements cette année, entre capital et intérêts. Les réserves de la Banque centrale attestaient en fin de journée de 39,15 Mds USD, soit 1,9 Mds de moins que la veille, soit le montant dû à la date. L’Argentine, dont la solvabilité est mise en doute de manière récurrente, a affirmé ces dernières semaines qu’elle honorerait son échéance de décembre.
Il y a dix jours le ministre de l’Économie Martín Guzmán, a toutefois assuré que le pays ne pourrait « en aucune manière » assumer les remboursements dus en 2022 et 2023, autour de 19 Mds chaque année (et environ 4,9 Mds en 2024). Le gouvernement d’Alberto Fernández, élu il y a deux ans, négocie un réaménagement de cette dette contractée en 2018 par le gouvernement (centre droit) de l’ex-président Mauricio Macri (2015-2019). Un prêt de 57 Mds USD, record pour le FMI, mais dont 44 Mds seulement ont été versés, M. Fernández ayant renoncé aux derniers décaissements. « Un montant historique, un prêt absurde, dont on sait bien qu’il n’a été utilisé pour rien de bien », a redit mercredi Martín Guzmán dont le gouvernement demandait également au FMI d’interroger les conditions de l’octroi de ce prêt. Le FMI a rendu mercredi une enquête interne dans lequel il reconnaît la faiblesse de son prêt de 2018, dans ce qui ressemble à un mea culpa.
Le souvenir de la « Gran crisis »
La stratégie et les conditions du prêt « n’étaient pas suffisamment solides pour faire face aux problèmes structurels profondément enracinés de l’Argentine, notamment la fragilité des finances publiques, l’inflation élevée (…) et une base d’exportation étroite », selon le rapport. Les administrateurs du Fonds regrettent que le programme 2018 avec l’Argentine « n’ait pas atteint ses objectifs de rétablir la confiance des marchés, de réduire les déséquilibres externes et budgétaires, de réduire l’inflation et protéger les plus vulnérables parmi la population ». « Pour l’avenir, les administrateurs ont souligné que les conclusions de cette évaluation devraient éclairer les discussions sur un éventuel programme de suivi avec l’Argentine », poursuit le communiqué du FMI, immédiatement salué à Buenos Aires.
Depuis deux ans, le gouvernement traîne comme un boulet – et invoque politiquement dès qu’il le peut – le prêt de 2018, alors que le pays se redresse à peine de trois ans de récession, dont deux ans d’impact Covid, avec 40 % de pauvreté, et une inflation, chronique-t-elle, autour de 50 % attendus pour 2021. Le gouvernement a vu son budget 2022, misant sur une croissance de 4 % en 2022 (10 % attendus en 2021) et une relative maîtrise de l’inflation (33 %) retoquée à la Chambre des députés. Cristina Kirchner avait connu le même revers sur son budget 2011, ce qui ne l’avait pas empêchée d’être réélue.
Sur le plan des négociations, Argentine et FMI continuent de discuter : un round de négociations s’est tenu il y a deux semaines à Washington, et une visioconférence la semaine dernière entre la directrice générale du FMI Kristalina Georgieva et M. Fernández. Le rapport du FMI, que le gouvernement ne devrait pas manquer de brandir ces prochains jours, intervient à une période sensible à Buenos Aires, les 20 ans de la « Gran crisis » de décembre 2001, qui vit une Argentine en faillite exploser en pillages, manifestations, répression policière (39 morts), laissant un trauma durable. Ces derniers jours, des dizaines de milliers d’Argentins ont manifesté a plusieurs reprises dans la capitale, à l’appel d’organisations de gauche plus ou moins proches du gouvernement, pour dire que « la dette est envers le peuple, pas le FMI ».
D’après Zonebourse
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