Alors qu’il termine l’écriture de son roman Un père étranger, Eduardo Berti reçoit un colis inattendu contenant des photocopies du dossier que son père présenta à son arrivée en Argentine, dans les années 1940. Originaire de Roumanie et fuyant la Seconde Guerre mondiale, son père avait conservé jusque dans sa tombe de nombreux secrets, jusqu’à son véritable nom de famille.
Photo : La ContreAllee.com
Parmi toutes les révélations que comporte le dossier, la découverte de l’adresse de la maison natale de son père, dans la ville roumaine de Galati, anciennement Galatz, est comme un nouveau point de départ. Une invitation à entreprendre un voyage à la rencontre du pays natal de son père. Parti en Roumanie sans jamais imaginer qu’il naîtrait un livre de ce séjour, Eduardo Berti passe de l’autre côté du miroir, et devient l’étranger. Partir à la recherche de cette maison natale fut ainsi le premier pas vers Un fils étranger, comme un écho à Un père étranger.
Dans ce voyage à Galati, l’invention est au cœur de la reconstitution de l’histoire familiale. Pour combler les silences et les zones d’ombres imposées par le père, le fils n’aura d’autres recours que de lui inventer une histoire et d’accepter ce qui continuera de lui échapper, à l’image de cette fameuse maison familiale, au n°24, qui ne se trouve peut-être pas être celle que l’on pensait y trouver.
Des QR Codes présents au fil du récit, comme des empreintes. Ce qu’en dit l’auteur
« Les QR codes renvoient principalement à des photos prises pendant le voyage, et de temps en temps à quelques documents d’archives. Et aussi, à la fin, à une bande-son que j’ai composée pendant l’écriture du livre : un « film bande-son ». Je ne suis ni photographe ni musicien ni cinéaste. Je me suis aventuré dans ces domaines aussi comme un étranger… Un étranger qui raconte sa propre histoire ou, en tout cas, l’histoire de son père, l’histoire de ses origines.
Les QR codes ressemblent aux empreintes digitales qui dessinent notre identité. Mais ce n’est pas seulement pour cela que je les ai mis dans ces pages. Je suis un lecteur indécis : parfois j’aime les livres qui comportent des illustrations ; d’autres fois, il me semble qu’elles entravent une des meilleurs choses de la littérature, la liberté d’imaginer, de compléter, d’inventer par-delà l’auteur. Chaque lecteur a ici, par conséquent, le choix de regarder ou de ne pas regarder ce que j’ai voulu montrer. De le voir, même, au moment où il le voudra. Et si le lecteur arrive aux « images vraies » après un certain délai, s’il y arrive après un moment d’imagination, il aura reproduit à petite échelle mon propre parcours, car durant des décennies Galati n’a été pour moi qu’un mystère à « décoder ». »
Eduardo Berti est membre de l’Oulipo depuis juin 2014. Né en Argentine en 1964, écri- vain de langue espagnole, il est l’auteur de quelques recueils de nouvelles, d’un livre de petites proses et de plusieurs romans. Traducteur et journaliste culturel, il est lui-même traduit en sept langues, notamment en langue française où on peut trouver presque toute son oeuvre : les micronouvelles de La vie impossible (prix Libralire 2003), les nouvelles de L’Inoubliable et les romans Le Désordre électrique, Madame Wakefield (finaliste du prix Fémina), Tous les Funes (finaliste du Prix Herralde 2004), L’Ombre du Boxeur et Le Pays imaginé (prix Emecé 2011 et prix Las Américas 2012).
Jean-Marie Saint-Lu est l’auteur de plus d’une centaine de traductions, dont celles des textes d’Eduardo Berti. Agrégé d’espagnol, il a enseigné la littérature latino- américaine aux universités de Paris X-Nanterre, puis de Toulouse le Mirail. Jean-Marie Saint-Lu a reçu, avec Robert Amutio, le prix Bernard Hoepffner 2020, pour la traduction des Œuvres complètes de Roberto Bolaño.
D’après l’éditeur
Un fils étranger (Un hijo extranjero) par Eduardo Berti, traduit de l’espagnol (Argentine) par Jean-Marie Saint-Lu aux éd. La Contré Allée, 120 p., 10 euros.