Quelque 21 des 30 millions de Vénézuéliens étaient appelés aux urnes, dimanche 21 novembre, afin d’élire 23 gouverneurs et les maires et conseillers de 335 communes d’un pays touché par un effondrement économique et social sans précédent dans l’histoire récente et une hyper- inflation ayant entraîné une émigration massive ces dernières années. Le gouvernement sort largement victorieux de ces élections. Comment expliquer ce succès ?
Photo : Viasa
Le président Nicolás Maduro a fait des déclarations immédiatement après que le Conseil national électoral (CNE) a livré les résultats des élections régionales et municipales : « Nous gagnons 20 États plus la mairie de Caracas », et il a félicité les votants, les 70 0000 candidats et le CNE. Il a rappelé qu’il y a eu 29 élections et 27 victoires en 22 années, « ce qui signifie que le chavisme est la vérité et que nous sommes une force déterminante de l’histoire du Venezuela. La victoire est impressionnante » a-t-il ajouté.
Elle l’est en effet, d’autant plus que les principaux partis d’opposition qui, depuis 2017, appelaient leurs électeurs à l’abstention pour les présidentielles et les législatives, ont décidé cette fois de reprendre le chemin des urnes après des concessions du pouvoir : un dialogue avec l’opposition, une refonte du CNE et l’acceptation de missions d’observation étrangères (UE, ONU et fondation Carter). Il est vrai que le régime a besoin d’une légitimité internationale et d’une levée des sanctions économiques décidées par une soixantaine de pays dont les USA et les pays de l’Union européenne. En réalité, pour les observateurs de la scène politique et sociale vénézuélienne, la déroute de l’opposition était annoncée avant même l’ouverture des bureaux de vote.
Leçons d’une défaite annoncée
Le camp le plus important de l’électorat est constitué par les abstentionnistes : environ 58 % du corps électoral n’a pas fait le déplacement vers les bureaux de vote ; 8,1 millions sur 21 millions de personnes en droit de voter ont participé au scrutin. De toute évidence, la politique est déconsidérée dans de larges couches de la population qui constate que les dés sont pipés et les perspectives de changement bouchées. Pour l’immense majorité des Vénézuéliens en situation de pauvreté et d’extrême pauvreté, les droits humains, la défense des valeurs démocratiques et le vote ne sont pas des priorités. De plus, l’opposition de la droite extrême, représentée par Leopoldo López et Maria Corina Machado, appelait à l’abstention. Juan Gaidó, reconnu président par une partie de la communauté internationale, est resté ambigu sur les enjeux de ces élections perdues d’avance.
Pouvoir et opposition ont entamé des négociations en août 2021 et tout se passe comme si un sentiment de collusion a rendu impossible la perception d’une alternative claire. Le pouvoir, lui, veut d’abord une suppression des sanctions imposées par les pays qui ne reconnaissent pas l’élection de Maduro. L’opposition, avec sa stratégie de boycott (présidentielle 2018 et législatives 2020), a créé une habitude de désertion des rendez-vous électoraux. Rien dans le quotidien des Vénézuéliens, dans la communication officielle et le fonctionnement des institutions ne permettait de penser que les élections seraient libres et transparentes. En outre, ces élections locales ne mettaient pas en jeu le pouvoir central et en premier lieu le départ de Maduro. Les disputes des partis d’opposition pour savoir s’il fallait, pour ces élections locales, maintenir les consignes d’abstention ou non ont donné lieu à une confusion pour nombre d’électeurs. L’absence d’unité ou de coordination a suscité une profusion de listes et la dispersion des votes de ceux qui restent opposés au gouvernement chaviste. « Le PSUV présente 3 000 candidats et des poussières. L’opposition, elle, en présente plus de 65 000. Avec ça, tout est dit », soupire M. Avalos (Le Monde, 23 novembre). Trois États échappent au Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) : l’île de Nueva Esparta, Cojedes et le Zulia, État pétrolier le plus peuplé du pays dont la capitale est Maracaïbo, deuxième ville du Venezuela.
Près de six millions de Vénézuéliens fuyant la misère sévissant dans le pays depuis plus de sept ans avaient déjà voté avec leurs pieds en partant vers la Colombie et d’autres pays d’Amérique latine. Les relations diplomatiques et consulaires sont interrompues avec certains d’entre eux, en particulier, depuis 2019, avec la Colombie où se sont réfugiés près de deux millions de Vénézuéliens. La victoire du parti gouvernemental est écrasante, la situation de l’opposition calamiteuse, l’état économique, social et culturel du pays désastreux. Ces élections donnent l’impression que pour les Vénézuéliens la bataille pour le redressement du pays ne s’est pas jouée ce 21 novembre.
Maduro et tous les acteurs politiques ont en tête les élections présidentielles de 2024. Pour le président, le redressement économique, avant 2024, est prioritaire ; pour l’opposition la reconstruction apparaît urgente si elle veut peser sur l’avenir d’un pays mal en point.
Maurice NAHORY