Nouveaux Espaces latinos : Jeudi 29 Juillet 2021

ÉDITORIAL

L’ancien instituteur Pedro Castillo a prêté serment ce mercredi 28 juillet en accédant à ses fonctions de nouveau président du Pérou. Il promet de mettre fin à la corruption dans le pays et annonce un projet de réforme constitutionnelle. Dans son discours d’investiture il a souligné avec fierté que « C’est la première fois que ce pays va être gouverné par un paysan ».  Né dans un village de la région de Cajamarca, au nord du Pérou, où il a été professeur dans une école rurale pendant 24 ans, M. Castillo devient ainsi « le premier président pauvre du Pérou » – fait sur lequel il a insisté dans son discours. Il a lu aussi des passages de la bible pour justifier son rejet de l’avortement, du mariage homosexuel et de l’euthanasie. Il a également évoqué ses racines provinciales et a assuré vouloir muséifier le siège du gouvernement et résidence du président, la Casa de Pizarro, nommée en référence au conquistador espagnol Francisco Pizarro, vainqueur de l’empire inca. « Je ne gouvernerai pas depuis ce palais parce que je pense que nous devons rompre avec les symboles coloniaux », annonce-t-il. Il s’est exprimé en faveur d’un contrôle par l’État des richesses énergétiques et minérales du pays, telles que le gaz, le lithium, le cuivre et l’or.

Son parti, Pérou Libre, se réclame du marxisme-léninisme. Le nouveau président a toutefois réaffirmé lors de son investiture exclure toute « expropriation » et vouloir une « économie en ordre », mais a demandé « un nouveau pacte avec les investisseurs ». Enfin, il souhaite une nouvelle Constitution, accusant l’actuelle de trop favoriser l’économie de marché et a promis qu’à l’issue de son mandat en 2026 il retrouverait son « métier de toujours, celui d’enseignant ». La prestation de serment du nouveau président de gauche a eu lieu à la date où le pays andin de 33 millions d’habitants célèbre le bicentenaire de son indépendance. Des festivités sont programmées jusqu’à vendredi. Le roi Felipe VI d’Espagne est arrivé mardi à Lima pour assister à la cérémonie d’investiture ainsi que six présidents de la région, le secrétaire d’État américain à l’Éducation, Miguel Cardona, et Evo Morales étaient également présents.

La tâche du nouveau président sera pourtant difficile. Le précédent quinquennat a été marqué par une instabilité record : quatre présidents se sont succédés et quatre ex-présidents sont impliqués dans l’affaire du géant du BTP brésilien. Le nouveau président va devoir travailler avec un Parlement fragmenté, où pas moins de dix partis sont représentés et où les élus mis en cause dans les scandales financiers sont nombreux. Le parti de Castillo, Perú Libre, détient le plus grand nombre de sièges (37 sièges), mais loin de la majorité absolue de 66 députés. Fuerza Popular, la formation de son adversaire Keiko Fujimori, a 24 élus.

Enfin le nouveau président a fait appel à toutes les bonnes volontés pour former son gouvernement. « Nous lançons un appel à tous les spécialistes, les personnes les plus qualifiées et les plus engagées pour le pays», a affirmé le futur président peu après l’annonce officielle de sa victoire. Rappelons que Pedro Castillo reçoit une économie déjà dévastée par la crise sanitaire : les longs mois de confinement en 2020 ont causé la perte de deux millions d’emplois et une chute du PIB en 2020 de 11 %. Pour calmer les craintes, l’équipe du nouveau président a assuré que son programme n’avait « rien à voir avec la proposition vénézuélienne ». Et Castillo lui-même a été contraint de préciser : «Nous ne confisquerons les propriétés de personne.» Il a en outre promis de conserver le patron de la Banque centrale, en poste depuis 2006. L’arrivé d’un président de gauche au Pérou est inédit pour l’Amérique latine et les nouvelles mesures seront suivies avec attention pour l’ensemble des pays latino-américains ainsi que de la gauche mondiale.

Januario ESPINOSA
Directeur de la rédaction

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