Cuba et le Venezuela, comme leurs voisins, sont touchés par le cyclone du Coronavirus aujourd’hui bien installé dans les Amériques. Du Mexique au Chili, chaque jour apporte son lot de nouvelles préoccupantes. Mais elles le sont deux fois plus pour La Havane et Caracas qui doivent aussi gérer les contraintes sanitaires imposées unilatéralement par les États-Unis.
Photo : El Deber (VE)
Jour après jour, le nombre de personnes infectées augmente doucement à Cuba et au Venezuela. Les chiffres seraient, selon les opposants aux deux régimes, sous-estimés. Quoi qu’il en soit, la pandémie touche là deux pays en situation fragile et le tourisme, secteur clef de l’économie cubaine est au point mort. Les autorités ont tenté de retarder la fermeture des frontières avant de suspendre, devant l’évidence de la menace, tout contact avec le monde extérieur le 24 mars. Les ressources du Venezuela sont quasiment à cent pour cent pétrolières et l’effondrement de la demande mondiale, couplé à la guerre des prix engagée par l’Arabie saoudite et la Russie contre les États-Unis, a brutalement fait chuter les cours du baril.
Les caisses des deux pays se sont vidées au moment où, de l’Europe aux États-Unis, de Mexico à Brasilia, chacun joue des coudes pour se procurer masques et respirateurs. Le défi est d’autant plus grand que les deux pays affrontent un quotidien qui déjà en temps normal est difficile. Le désordre économique vénézuélien, couplé à une crise politique majeure a tout désorganisé, y compris le secteur pétrolier. Et qui plus est, Caracas et La Havane sont soumis à de sévères sanctions nord-américaines. Ils ne peuvent pas accéder au crédit international et toutes transactions en dollars leur sont interdites. Les entreprises étrangères qui pourraient commercer avec eux y regardent à deux fois en raison des risques de saisie de leurs biens aux États-Unis, accompagnées de lourdes amendes infligées par les tribunaux.
Loin de s’atténuer, la validité des sanctions a été confirmée ces derniers jours. La société chinoise de communication Alibaba a décidé de redorer l’image de la Chine et ainsi de préserver ses intérêts en donnant des masques et des respirateurs aux pays affectés par l’épidémie, qu’ils soient asiatiques, européens ou américains. Une dotation de 104 respirateurs et de 4 millions de masques a ainsi été programmée pour l’Amérique latine. L’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, l’Équateur et le Panamá ont reçu cette dotation bien venue. Mais cela n’a pas été possible pour Cuba. L’entreprise nord-américaine chargée des livraisons a refusé de prendre le risque de poursuites et de sanctions financières par la justice et l’Administration de Washington.
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres et la Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, ont lancé un appel à la suspension des sanctions unilatérales des États-Unis à l’égard d’un certain nombre de pays, dont en Amérique latine Cuba et le Venezuela. La réponse, par diverses voies a été un « Non » sans appel. Le Bureau de défense de la démocratie du ministères des Affaires étrangères des États-Unis a publié un communiqué visant à dissuader les gouvernements tentés d’apporter une aide à Cuba. La chargée d’affaires nord-américaine à La Havane, Maia Tekach, l’a repris sur le site de son ambassade. La justice des États-Unis a également engagé des poursuites contre Nicolás Maduro, qualifié de narcotrafiquant et le secrétaire d’État Mike Pompeo a rendu public, le 31 mars, un plan de sortie de crise au Venezuela, conditionnant la levée des sanctions à une relève à la tête de l’État. Le 1er avril, pour officiellement lutter contre le Covid-19, le président Donald Trump annonçait le doublement des moyens aériens et maritimes militaires déployés dans les Caraïbes contre le trafic de stupéfiants qui aurait une part dans la propagation de la maladie.
Le responsable de l’Amérique latine au Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, Mauricio Claver-Carone, s’est livré le 2 avril à un travail d’explication on ne peut plus clair sur une chaîne de télévision de Miami. Nicolás Maduro est, a-t-il dit, la cible principale de ces grandes manœuvres. Il fait en effet partie des grands délinquants pourchassés par les État- Unis à l’instar de Pablo Escobar, du Chapo Guzmán ou de Manuel Noriega. Le choix de Miami pour cette mise au point n’a rien de fortuit. La Floride accueille des dizaines de milliers de Cubains et de Vénézuéliens hostiles aux gouvernements de Caracas et La Havane. Ils soutiennent, en grand nombre, tout ce qui peut faire mal aux autorités de leurs pays d’origine, fût-ce au prix de la survie de leurs ex-compatriotes. Beaucoup ont par ailleurs acquis la nationalité américaine. Dans sept mois, les électeurs devront élire le prochain président, la Floride est un État clef et Donald Trump est candidat…
Jean-Jacques KOURLIANDSKY