Santiago, Italia de Nanni Moretti : l’Italie des années 1970 en écho avec le présent

Le film documentaire Santiago, Italia du réalisateur Nanni Moretti a clôturé le festival de Turin 2019, deuxième plus grand festival d’Italie (après la Mostra de Venise) dont la sélection se concentre sur les projets indépendants et expérimentaux. Nanni Moretti en a été le président en 2007 et 2008 et le cinéaste chilien, Pablo Larraín y est passé. Santiago, Italia sort en salles ce 27 février 2019.

Photo : Santiago, Italia

Le documentaire commence avec une magnifique photo sur laquelle on voit le réalisateur Nanni Moretti de dos en train d’observer depuis un bâtiment en hauteur la cordillère des Andes. Puis s’ensuivent des images d’archives des premiers jours du putsch militaire du général Pinochet. Moretti interroge les souvenirs du Chili d’alors, notamment les témoins que sont les cinéastes chiliens Patricio Guzmán, Miguel Littín, Carmen Castillo. Mais il recueille également les témoignages émouvants des victimes ainsi que celui d’un militaire responsable de tortures et de crimes aujourd’hui en prison. Et là, on voit le cinéaste lui répondre avec fermeté : «Non, je ne suis pas impartial…» C’est sa deuxième apparition, Nanni Moretti ne fait que ces deux courtes apparitions, il laisse s’exprimer les témoins.

Ce documentaire devient peu à peu une parabole confrontée à l’actualité de l’Italie de Salvini : «Pendant le tournage, on me demandait pourquoi revenir sur le coup d’État de Pinochet, explique Moretti à La Repubblica. Je ne savais pas trop quoi répondre. Et puis Matteo Salvini est devenu ministre de l’Intérieur, et alors j’ai compris pourquoi j’avais fait ce film.»

En 1973, après la chute dramatique du gouvernement démocratique de Salvador Allende par un coup d’État militaire du général Pinochet, et la répression sanglante qui s’en est suivi, l’ambassade d’Italie est devenue, pendant quelques semaines, un refuge pour les opposants au nouveau régime. L’Italie les protège dans l’ambassade et leur permet de s’exiler sur son sol. Ce geste politique et solidaire a permis la survie de plusieurs centaines d’opposants à la dictature.

Réalisé donc à partir d’images d’archives et de témoignages, le film raconte les mois qui ont suivi le putsch du dictateur qui a mis fin au régime démocratique de Salvador Allende. Il met notamment l’accent sur l’implication de l’ambassade italienne à Santiago.

Le documentaire, diffusé dans les salles italiennes le 6 décembre, fait voir aux Italiens et au monde le rôle de l’Italie dans les années 1970. Nani Moretti déclarera au Corriere della Sera que son film a «une intention morale claire et la volonté de nous forcer à comparer ce que nous étions dans les années 1970 et ce que nous sommes devenus».

Ce film, racontant une histoire chilienne d’il y a plus de quarante ans, devrait conduire l’Italie et l’Europe à s’interroger sur le sort donné à des milliers des migrants fuyants des conflits armés, la répression, le désespoir. C’est un film d’une grande actualité.

Olga BARRY

Bande annonce Allociné