Cuba de nos jours. La télévision officielle montre les émeutes au Venezuela, les tensions entre Russes et Ukrainiens et même une épidémie de choléra dans le pays. Les Cubains ont d’autres préoccupations, celle de vivre les privations au quotidien, et le jeune héros de ce premier roman d’un Cubain qui réside à Barcelone, celle de simplement survivre : sans le vouloir vraiment il est entraîné dans une aventure violente dans laquelle il risque sa vie à chaque instant.
Photo : éditions Asphalte
Mario Durán et Rubén Figueredo, tous deux nés pendant la Période spéciale, qui suit immédiatement la chute de l’URSS, pendant laquelle Cuba se débattait dans des problèmes économiques insurmontables, sont devenus des amis inséparables. Ils sont tous deux spécialistes en informatique et leurs compétences complémentaires les avaient aidés à se rapprocher. Mais que faisait Durán en prison ? Et comment se fait-il qu’on l’ait libéré bien plus tôt que prévu, sans lui donner d’explication ? Rubén, qui vient le chercher à sa sortie de prison, semble rouler sur l’or. La réponse à ces questions arrive vite : un mystérieux Sandoval, un grand Noir musclé style voyou vient leur confier une « mission », visiblement il a eu les moyens de les faire libérer ainsi.
La « mission » est un classique : ouvrir un coffre fortement protégé par de l’informatique de haut niveau. Il ne manque ni le borgne patibulaire, ni la superbe fille, elle aussi un brin inquiétante, ni le commanditaire inconnu. Voilà pour le côté « classique » d’Indomptable. Le plus, c’est le rythme, la maîtrise de Vladimir Hernández à faire avancer de façon implacable son récit et à tenir le lecteur en haleine à chaque instant.
Les trois parties du roman s’apparentent aux trois actes d’une tragédie (à l’envers ?). En parallèle avec l’histoire qui avance sans faiblir, Vladimir Hernández montre le quotidien des Cubains modestes, les ravages intimes causés pour beaucoup par la guerre menée vingt ans plus tôt en Angola, les privations de chacun, les luttes sans fin pour améliorer l’ordinaire, le désenchantement de tous. Le père de Durán, traumatisé par son passé militaire, matérialise sa propre désillusion en collectionnant de façon obsessionnelle de vieux magazines parce qu’il veut prouver avec ces documents les mensonges de l’État qui réécrit l’Histoire.
Pourtant aucun ne renonce. Indomptable, le surnom de Durán, peut s’appliquer à la plupart des Cubains. À côté de Durán, luttant contre plus forts que lui, on voit vivre des petites gens, son père Gilberto ou Dunia, fille d’un compagnon de guerre de Gilberto qui s’occupe de lui. Rien n’est facile pour eux, mais ils luttent à leur manière, c’est aussi ce que montre fort bien cet excellent roman qui allie suspense et action.
Christian ROINAT
Indomptable, de Vladimir Hernández, traduit de l’espagnol (Cuba) par Olivier Hamilton, éd. Asphalte, 256 p., 21 €. Vladimir Hernández en espagnol : Indómito, Roca, Barcelone / Habana réquiem, Harpercollins, Madrid.
Né à La Havane en 1966, Vladimir Hernández a d’abord entrepris des études en ingénierie et en physique avant de commencer sa carrière d’écrivain dans les années 1980 avec des récits de sciences fiction. En 2000, il est invité en Espagne pour recevoir le Prix UPC pour son récit intitulé Signos de guerra et décide de s’installer à Barcelone où il réside encore depuis. Il a reçu de nombreux prix littéraires notamment en Espagne pour ses nouvelles et romans. Indomptable (2016), son premier polar, a été récompensé du Prix International du Roman Noir de l’H Confidencial (Espagne).